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Lli SUICIDE ET LES AUTRES PHENOMENES SOCIAUX. 395 IV, Mais la seconde proposition de l’école reste à discuter. Étant donné que Thomicide et le suicide ne dérivent pas d’un mênïe état psychologique, il nous faut rechercher s’il y a un réel anta- gonisme enlre les conditions sociales dont ils dépendent. La question est plus complexe que ne l’ont cru les auteurs italiens et plusieurs de leurs adversaires. Il est certain que, dans nombre de cas, la loi d’inversion ne se vérifie pas. Assez sou- vent, les deux phénomènes, au lieu de se repousser et de s’ex- clure, se développent parallèlement. Ainsi, en France, depuis le lendemain de la guerre de 1870, les meurtres ont manifesté une certaine tendance à croître. On en comptait, par année moyenne, 105 seulement pendant les années 1861-65; ils s éle- vaient à 163 de 1871 à 1876 et les assassinats, pendant le même temps, passaient de 175 ù 201. Or, au même moment, les suicides augmentaient dans des proportions considérables. Le même phénomène s’était produit pendant les années 1840-50. En Prusse, les suicides qui, de 1865 à 1870, n’avaient pas dé- passé 3.658, atteignaient 4.459 en 1876, 5.042 en 1878, en aug- mentation de 36 0/0. Les meurtres et les assassinats suivaient la même marche; de 151 en 1869, ils passaient successivement à 166 en 1874, à 221 en 1875, à 253 en 1878, en augmentation de 67 0/0(*). Même phénomène en Saxe. Avant 1870, les suicides oscillaient entre 600 et 700; une seule fois, en 1868, il y en eut 800. A partir de 1876, ils montent à 981, puis à 1.114, à 1.126, enfin, en 1880, ils étaient à i. 171 (2). Parallèlement, les attentats contre la vie d’autrui passaient de 637 en 1873 à 2.232 en 1878(3). En Irlande, de 1865 à 1880, le suicide croît de 29 0/0, l’ho- micide croît aussi et presque dans la même mesure (23 0/0) (*). (1) D’après Oettingen, Morahtatisûk ^ annexes, table 61. (2) Ihid, table 109. (3) Ibid,, table 65. (4) D’après les tables mêmes dressées par Ferri.