Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/431

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LE SUICIDE ET LES AUTRES HHÉNOMÉNKS SOCIAUX, 409 développement de l’homicide et celui du suicide se rencontre surtout dans les grands centres et dans les régions de civilisa- lion intense. C’est que l’anomie y est à l’état aigu. La même cause empêche les meurtres de décroître aussi vite que s’ac- croissenties suicides. En effet, si les progrès de l’individualisme tarissent une des sources de l’homicide, l’anomie, qui accom- pagne le développement économique, en ouvre une autre. No- tamment, on peut croire que si. en France et suriout en Prusse, homicides de soi-même et homicides d’autrui ont augmenté simultanément depuis la guerre, la raison en est dans i’instabi- lité morale qui, pour des causes différentes, est devenue plus grande dans ces deux pays. Enfin, on peut ainsi s’expliquer comment, malgré ces concordances partielles, l’antagonisme est le fait le plus général. C’est que le suicide anomique n’a lieu en masse que sur des points spéciaux, là oii l’activité industrielle et commerciale a pris un grand essor. Le suicide égoïste est, vrai- semblablement, le plus répandu ; or il exclut les crimes de sang. Nous arrivons donc à la conclusion suivante. Si le suicide et l’homicide varient fréquemment en raison inverse l’un de l’autre, ce n’est pas parce qu’ils sont deux faces différentes d’un seul et ,. même phénomène; c’est parce qu’ils constituent, à certains i égards, deux courants sociaux contraires. Ils s’excluent alors ■ comme le jour exclut la nuit, comme les maladies de l’extrême j sécheresse excluent celles de l’extrême humidité. Si, néanmoins, celte opposition générale n’empêche pas toute harmonie, c’est | que certains types de suicides, au lieu de dépendre de causes J antagonistes à celles dont dérivent les homicides, expriment, au j contraire, le même état social et se développent au sein du même ■ milieu moral. On peut, d’ailleurs, prévoir que les homicides quij coexistent avec le suicide anomique et ceux qui se concilient avec lesuicideallruistenedoivent pas être de même nature; quel’ho- .micide, par conséquent, tout comme le suicide, n’est pas une «ntité. (i^iminologique une et indivisible, mais doit comprendre S pluralité d’espèces très différentes les unes des autres. Mais t’est pas le lieu d’insister sur cette importante proposition de