Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

4i4 LE SUICIDE. de se reporter à Targumeatation sur laquelle elle repose et qui peut se résumer ainsi. Ou bien le mot de maladie ne signifle rien, ou bien il désigae quelque chose d’évitable. Sans doute, tout ce qui est évitable n’est pas morbide, mais tout ce qui est morbide peut être évité, au moins par la généralité des sujets. Si Ton ne veut pas re- noncer à toute distinction dans les idées comme dans les termes, il est impossible d’appeler ainsi un état ou un caractère que les êtres d’une espèce ne peuvent pas ne pas avoir, qui est impliqué nécessairement dans leur constitution. D’un autre côté, nous n’avons qu’un signe objectif, empiriquement déterminable et susceptible d’être contrôlé par autrui, auquel nous puissions re- connaître l’existence de cette nécessité; c’est l’universalité. Quand, toujours et partout, deux faits se sont rencontrés en connexion, sans qu’une seule exception soit citée, il est contraire à toute méthode de supposer qu’ils puissent être séparés. Ce n’est pas que l’un soit toujours la cause de Tautre. Le lien qui est entre eux peut être médiat W, mais il ne laisse pas d’être et d’être nécessaire. Or, il n’y a pas de société connue où, sous des formes diffé- rentes, ne s’observe une criminalité plus ou moins développée. [1 n’est pas de peuple dont la morale ne soit quotidiennement violée. Nous devons donc dire que le crime est nécessaire, qu’il ne peut pas ne pas être, que les conditions fondamentales de l’organisation sociale, telles qu’elles sont connues, l’impliquent logiquement. Par suite, il est normal. Il est vain d’invoquer ici les imperfections inévitables de la nature humaine et de sou- tenir que le mal, quoiqu’il ne puisse pas être empêché, ne cesse pas d’être le mal; c’est langage de prédicateur, non de savant. Une imperfection nécessaire n’est pas une maladie; autrement, il faudrait mettre la maladie partout, parce que l’imperfection est partout. Il n’est pas de fonction de l’organisme, pas de forme anatomique à propos desquelles on ne puisse rêver quelque (l) Et même tout lien logique n’est-il pas médiat? Si rapprochés que soient les deux termes qu’il relie, ils sont toujours distincts et, par conséquent, il y a toujours entre eux un écart, un intervalle logique.