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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/439

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CONSÉQUENCES PRATIQUES. 417 nus, débordent sur certains points tumultueusement. Du moment qu’on inculque aux hommes ce précepte, que c’est pour eux un devoir de progresser, il est plus difficile d’en faire des résignés; par suite, le nombre des mécontents el des inquiets ne peut manquer d’augmenter. Toute morale de progrès et de perfec- tionnement est donc inséparable d’un certain degré d’anomie. Ainsi, une constitution morale déterminée correspond à chaque type de suicide et en est solidaire. L’une ne peut être sans l’autre; car le suicide est simplement la forme que prend néces- sairement chacune d’elles dans de certaines conditions particu- lières, mais qui ne peuvent pas ne pas se produire. Mais, dira-t-on, ces divers courants ne déterminent le suicide que s’ils s’exagèrent; serait-il donc impossible qu’ils eussent partout la même intensité modérée? — C’est vouloir que les conditions de la vie soient partout les mêmes : ce qui n’est ni possible ni désirable. Dans toute société, il y a des miheux parti- cuhers où les états collectifs ne pénètrent qu en se modifiant; ils y sont, suivant les cas, ou renforcés ou affaiblis. Pour qu’un courant ait dans l’ensemble du pays une certaine intensité, il faut donc que, sur certains points, il la dépasse ou ne l’atteigne pas. Mais ces excès, soit en plus soit en moins, ne sont pas seule- ment nécessaires; ils ont leur utilité. Car, si l’état le plus gé- néral est aussi celui qui convient le mieux dans les circonstances les plus générales de la vie sociale, il ne peut être en rapport avec les autres; et pourtant la société doit pouvoir s’adapter aux unes comme aux autres. Un homme chez qui le goût de l’activité ne dépasserait jamais le niveau moyen, ne pourrait se maintenir dans les situations qui exigent un effort exceptionnel. De même, une société où l’individualisme intellectuel ne pour- rait pas s’exagérer, serait incapable de secouer le joug des tra- ditions et de renouveler ses croyances, alors même que ce serait nécessaire. Inversement, là où ce même état d’esprit ne pourrait, à l’occasion, diminuer assez pour permettre au courant contraire de se développer, que deviendrait-on en temps de guerre, alors que l’obéissance passive est le premier des devoirs? Mais, pour DURKHKIM. 27