Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/440

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4i8 LE SUICIDE. que ces former (Tactivitc paissent se produire quand elles sont utiles, il faut que la soci^Ué ne les ait pas totalement désapprises. Il est donc indispensable qu’elles aient une place dans Texis- . tence commune ; qu’il y ait des sphères où s’entretienne un goût intransigeant de critique et de libre examen , d’autres, comme l’armée, où se garde à peu près intacte la vieille religion de Tau- torité. Sans doute, il faut que, en temps ordinaire, l’action de ces foyers spéciaux ne s’étende pas au delà de certaines limites; comme les sentiments qui s’y élaborent correspondent à des cir- constances particulières, il est essentiel qu’ils ne se généralisent pas. Mais s’il importe qu’ils restent localisés, il importe égale- ment qu’ils soient. Cette nécessité paraîtra plus évidente encore si Ton songe que les sociétés, non seulement sont tenues de faire face à des situations diverses au cours d’une même période, mais encore ne peuvent se maintenir sans se transformer. Les proportions normales d’individualisme et d’altruisme, qui con^ viennent aux peuples modernes, ne seront plus les mêmes dans un siècle. Or, l’avenir ne serait pas possible, si les germes n’en étaient donnés dans le présent. Pour qu’une tendance collective puisse s’affaiblir ou s’intensifier en évoluant, encore faut -il qu’elle ne se fixe pas une fois pour toutes sous une forme uni- que dont elle ne pourrait plus se défaire ensuite; elle ne sau-

rait varier dans le temps si elle ne présentait aucune variété

dans l’espace (i). Les différents courants de tristesse collective, qui dérivent de ces trois états moraux, ne sont pas eux-mêmes sans raisons d’être, pourvu qu’ils ne soient pas excessifs. C’est, en effet, . une erreur de croiro que la joie sans mélange soit l’état (1) Ce qui a coutribué à obscurcir cette question, c’est qu’on ne remarque pas assez combien ces idées de santé et de maladie sont relatives. Ce qui est normal aujourd’hui ne le sera plus demain, et inversement. Les intestins vo- lumineux du primitif sont normaux par rapport à son milieu^ mais ne le se- raient plus aujourd’liui. Ce qui est morbide i)Our les individus peut être nor- mal pour la société. La neurasthénie est une maladie au point de vue de la physiologie individuelle ; que serait une société sans neurasthéniques? lisent actuellement un rôle social à jouer. Quand on dit d’un état qu’il est normal ou anormal, il faut ajouter par rapport à quoi il est ainsi qualifié ; sinon, on ne s’entend ] as. /.