Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/465

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CONSÉQUENCES PRATIQUliS. 443 une origine collective, tandis que ceux de sa compagne sont plus immédiatement placés sous Tinfluence de l’organisme. Il a donc de tout autres besoins qu’elle et, par conséquent, il est impos- sible qu’une institution, destinée à régler leur vie commune, puisse être équitable et satisfaire simultanément des exigences aussi opposées. Elle ne peut pas convenir à la fois à deux êtres dont Tun est, presque tout entier, un produit de la société, tandis que Tautre est resté bien davantage tel que Tavait fait la nature. Mais il n’est pas du tout prouvé que cette opposition doive né- cessairement se maintenir. Sans doute, en un sens, elle était moins marquée aux origines qu’elle ne l’est aujourd’hui; mais on n’en peut pas conclure qu’elle soit destinée à se développer sans Qn. Car les états sociaux les plus primitifs se reproduisent souvent aux stades les plus élevés de l’évolution, mais sous des formes différentes et presque contraires à celles qu’elles avaient dans le principe. Assurément, il n’y a pas lieu de supposer que, jamais, la femme soit en état de remplir dans la société les mêmes fonctions que l’homme; mais elle pourra y avoir un rôle qui, tout en lui appartenant en propre, soit pourtant plus actif et plus important que celui d’aujourd’hui. Le sexe féminin ne redeviendra pas plus semblable au sexe masculin ; au contraire, on peut prévoir qu’il s’en distinguera davantage. Seulement ces j différences seront, plus que dans le passé, utilisées socialement. Pourquoi^ par exemple, à mesure que l’homme, absorbé de plus en plus par les fonctions utilitaires, est obligé de renoncer aux fonctions esthétiques, celles-ci ne reviendraient-elles pas à la femme? Les deux sexes se rapprocheraient ainsi tout en se diffé- renciant. Ils se socialiseraient également, mais de manières diffé- rentes (*). Et c’est bien dans ce sens que paraît se faire l’évolution. Dans les villes, la femme diffère de l’homme beaucoup plus que dans les campagnes; et cependant, c’est là que sa constitu- (1) Cette différenciation, on peut le prévoir, n’aurait probablement plus le caractère strictement réglementaire qu’elle a aujourd’hui. La femme ne serait pas, d’office, exclue de certaines fonctions et réléguée dans d’autres. Elle pourrait plus librement choisir, mais son choix, étant déterminé par ses apti- tudes, se porterait en général sur un même ordre d’occupations. Il serait sensiblement uniforme, sans être obligatoire. f