Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/42

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que les autres. Pour celui qui ne voit dans la religion qu’une manifestation naturelle de l’activité humaine, toutes les instructives sans exception d’aucune sorte ; car toutes expriment l’homme à leur manière et peuvent ainsi nous aider à mieux comprendre cet aspect de notre nature. Nous avons vu, d’ailleurs, combien il s’en faut que la meilleure façon d’étudier la religion soit de la considérer de préférence sous la forme qu’elle présente chez les peuples les plus civilisés[1].

Mais pour aider l’esprit à s’affranchir de ces conceptions usuelles qui, par leur prestige, peuvent l’empêcher de voir les choses telles qu’elles sont, il convient, avant d’aborder la question pour notre propre compte, d’examiner quelques-unes des définitions les plus courantes dans lesquelles ces préjugés sont venus s’exprimer.

I

Une notion qui passe généralement pour caractéristique de tout ce qui est religieux est celle de surnaturel. Par là, on entend tout ordre de choses qui dépasse la portée de notre entendement ; le surnaturel, c’est le monde du mystère, de l’inconnaissable, de l’incompréhensible. La religion serait donc une sorte de spéculation sur tout ce qui échappe à la science et, plus généralement, à la pensée distincte. « Les religions, dit Spencer, diamétralement opposées par leurs dogmes, s’accordent à reconnaître tacitement que le monde, avec tout ce qu’il contient et tout ce qui l’entoure, est un mystère qui veut une explication » ; il les fait donc essentiellement consister dans « la croyance à l’omniprésence de quelque chose qui passe l’intelli-

  1. Voir plus haut, p. 4. Nous n’insistons pas davantage sur la nécessité de ces définitions préalables ni sur la méthode à suivre pour y procéder. On en verra l’exposé dans nos Règles de la méthode sociologique, p. 43 et suiv. Cf. Le suicide, p. 1 et suiv. (Paris, F. Alcan, puis P.U.F.).