Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/49

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caractéristique des phénomènes religieux sans exclure de la définition la majorité des faits à définir.

II

Une autre idée par laquelle on a souvent essayé de définir la religion est celle de divinité. « La religion, dit A. Réville, est la détermination de la vie humaine par le sentiment d’un lien unissant l’esprit humain à l’esprit mystérieux dont il reconnaît la domination sur le monde et sur lui-même et auquel il aime à se sentir uni[1]. » Il est vrai que, si l’on entend le mot de divinité dans un sens précis et étroit, la définition laisse en dehors d’elle une multitude de faits manifestement religieux. Les âmes des morts, les esprits de toute espèce et de tout rang dont l’imagination religieuse de tant de peuples divers a peuplé la nature, sont toujours l’objet de rites et parfois même d’un culte régulier ; et pourtant, ce ne sont pas des dieux au sens propre du mot. Mais pour que la définition les comprenne, il suffit de substituer au mot de dieu celui, plus compréhensif, d’être spirituel. C’est ce qu’a fait Tylor : « Le premier point essentiel quand il s’agit d’étudier systématiquement les religions des races inférieures, c’est, dit-il, de définir et de préciser ce qu’on entend par religion. Si l’on tient à faire entendre par ce mot la croyance à une divinité suprême…, un certain nombre de tribus se trouveront exclues du monde religieux. Mais cette définition trop étroite a le défaut d’identifier la religion avec quelques-uns de ses développements particuliers… Mieux vaut, ce semble, poser simplement comme définition minimum de la religion la croyance en des êtres spirituels[2] ». Par êtres spirituels, il faut entendre des sujets conscients, doués de pouvoirs supérieurs à ceux que possède le commun des

  1. Prolégomènes à l’histoire des religions.
  2. La civilisation primitive, I, p. 491.