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nombreux. Seulement, il est certain que leur silence relatif sur ce point vient ou de ce qu’ils n’ont pas observé suffisamment d’Intichiuma ou de ce qu’ils ont négligé ce côté des cérémonies. Schulze, au contraire, avait été frappé du caractère essentiellement mimétique des rites arunta. « Les corroborai sacrés, dit-il, sont, pour la plupart, des cérémonies représentatives d’animaux » ; il les appelle des animal tjurunga[1] et son témoignage est aujourd’hui confirmé par les documents qu’a réunis Strehlow. Chez ce dernier auteur, les exemples sont tellement nombreux qu’il est impossible de les citer tous : il n’y a guère de cérémonies ou quelque geste imitatif ne nous soit signalé. Suivant la nature des totems dont on célèbre la fête, on saute à la manière des kangourous, on imite les mouvements qu’ils font en mangeant, le vol des fourmis ailées, le bruit caractéristique que fait la chauve-souris, le cri du dindon sauvage, celui de l’aigle, le sifflement du serpent, le coassement de la grenouille, etc.[2]. Quand le totem est une plante, on fait le geste d’en cueillir[3], ou d’en manger[4], etc.

Chez les Warramunga, l’Intichiuma affecte, en général, une forme très particulière que nous décrirons dans le prochain chapitre et qui diffère de celles que nous avons, jusqu’à présent, étudiées. Il existe pourtant chez ce peuple un cas typique d’Intichiuma purement mimétique ; c’est celui du kakatoès blanc. La cérémonie que décrivent Spencer et Gillen commença à dix heures du soir. Pendant toute la durée de la nuit, le chef du clan imita le cri de l’oiseau avec une monotonie désespérante. Il ne s’arrêtait que quand il était à bout de forces et il était alors remplacé par son fils ; puis il recommençait aussitôt qu’il se sentait un peu reposé.

  1. Schulze, loc. cit., p. 221 ; cf. p. 243.
  2. Strehlow, III, p. 11, 84, 31, 36, 37, 68, 72.
  3. Ibid., p. 100.
  4. Ibid., p. 81, 100, 112, 115.