Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/521

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y a de plus spécial dans les croyances totémiques, si elle était seule, le principe d’après lequel le semblable produit le semblable n’aurait pas dû survivre au totémisme. Or il n’est peut-être pas de religion ou l’on ne trouve des rites qui en dérivent. Il faut donc qu’une autre raison soit venue se joindre à la précédente.

Et, en effet, les cérémonies où nous l’avons vu appliqué n’ont pas seulement l’objet très général que nous venons de rappeler, si essentiel qu’il soit ; mais elles visent, en outre, un but plus prochain et plus conscient qui est d’assurer la reproduction de l’espèce totémique. L’idée de cette reproduction nécessaire hante donc l’esprit des fidèles : c’est sur elle que se concentrent les forces de leur attention et de leur volonté. Or, une même préoccupation ne peut pas obséder à ce point tout un groupe d’hommes sans s’extérioriser sous une forme matérielle. Puisque tous pensent à l’animal ou au végétal des destinées duquel le clan est solidaire, il est inévitable que cette pensée commune vienne se manifester extérieurement par des gestes, et les plus désignés pour ce rôle sont ceux qui représentent cet animal ou cette plante par un de ses aspects les plus caractéristiques ; car, il n’est pas de mouvements qui tiennent d’aussi près à l’idée qui remplit alors les consciences, puisqu’ils en sont la traduction immédiate et presque automatique. On s’efforce donc d’imiter l’animal ; on crie comme lui ; on saute comme lui ; on reproduit les scènes où la plante est quotidiennement utilisée. Tous ces procédés de figuration sont autant de moyens de marquer ostensiblement le but vers lequel tous les esprits sont tendus, de dire la chose qu’on veut réaliser, de l’appeler, de l’évoquer. Et ce besoin n’est pas d’un temps, il ne dépend pas des croyances de telle ou telle religion ; il est essentiellement humain. Voilà pourquoi, même dans des religions très différentes de celle que nous étudions, les fidèles, réunis