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de même nature est l’état de détresse ou se trouve la société à la suite de récoltes insuffisantes. « Les indigènes qui habitent les environs du lac Eyre, dit Eylmann, cherchent également à conjurer l’insuffisance des ressources alimentaires au moyen de cérémonies secrètes. Mais plusieurs des pratiques rituelles qu’on observe dans cette région se distinguent de celles dont il a été précédemment question : ce n’est pas par des danses symboliques, par des mouvements mimétiques ni par des décorations éblouissantes que l’on cherche à agir sur les puissances religieuses ou sur les forces de la nature, mais au moyen de souffrances que les individus s’infligent à eux-mêmes. Dans les territoires du nord, c’est aussi par des tortures, telles que jeûnes prolongés, veilles, danses poursuivies jusqu’à l’épuisement des danseurs, douleurs physiques de toute sorte, que l’on s’efforce d’apaiser les puissances qui sont mal disposées pour les hommes »[1]. Les supplices auxquels les indigènes se soumettent dans ce but les laissent parfois dans un tel état de fatigue qu’ils sont, pendant de longs jours, incapables d’aller à la chasse[2].

C’est surtout pour lutter contre la sécheresse que ces pratiques sont employées. C’est que le manque d’eau a pour conséquence une disette générale. Pour remédier au mal, on recourt aux moyens violents. Un de ceux qui sont en usage est l’extraction d’une dent. Chez les Kaitish, par exemple, on arrache à un individu une incisive que l’on suspend à un arbre[3]. Chez les Dieri, l’idée de la pluie est étroitement associée à celle d’incisions sanglantes qui sont pratiquées dans la peau du thorax et des bras[4]. Chez ce même peuple, quand la sécheresse est très grande, le grand conseil se réunit et convoque toute la tribu. C’est un véritable événement tribal. Des femmes sont envoyées dans

  1. Op. cit., p. 207 ; cf. p. 116.
  2. Eylmann, p. 208.
  3. Ibid., p. 211.
  4. Howitt, The Dieri, in J.A.I., XX (1891), p. 93.