Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les directions pour avertir les gens de se réunir à un endroit et à un moment déterminés. Une fois qu’ils sont assemblés, ils font entendre des gémissements, ils crient d’une voix perçante l’état misérable de la contrée et ils demandent aux Mura-mura (ancêtres mythiques) de leur conférer le pouvoir de faire tomber une pluie abondante[1]. Dans les cas, très rares d’ailleurs, où il y a eu excès d’humidité, une cérémonie analogue a lieu pour arrêter la pluie. Les vieillards entrent alors dans un véritable état de frénésie[2] et les cris que pousse la foule sont pénibles à entendre[3].

Spencer et Gillen nous décrivent, sous le nom d’Intichiuma, une cérémonie qui pourrait bien avoir le même objet et la même origine que les précédentes : une torture physique est employée pour déterminer une espèce animale à se multiplier. Il y a, chez les Urabanna, un clan qui a pour totem une sorte de serpent appelé wadnungadni. Voici comment procède le chef du clan pour empêcher que cet animal ne vienne à manquer. Après s’être décoré, il s’agenouille par terre, les bras étendus dans toute leur longueur. Un assistant pince entre ses doigts la peau du bras droit et l’opérateur enfonce, à travers le pli ainsi formé, un os pointu, de cinq pouces de long. On traite de même le bras gauche. Cette auto-mutilation est censée produire le résultat désiré[4]. Chez les Dieri, un rite analogue est employé pour déterminer les poules sauvages à pondre : les opérateurs se percent le scrotum[5]. Dans certaines autres tribus du lac Eyre, on se perce l’oreille pour amener les ignames à se produire[6].

Mais les disettes totales et partielles ne sont pas les seuls

  1. Howitt, Nat. Tr., p. 394.
  2. Howitt, ibid., p. 396.
  3. Communication de Gason, in J.A.I., XXIV (1895), p. 175.
  4. North Tr., p. 286.
  5. Gason, The Dieyerie Tribe, in Curr, II, p. 68.
  6. Gason, ibid. ; Eylmann, p. 208.