Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/73

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viduels constituent, non des systèmes religieux distincts et autonomes, mais de simples aspects de la religion commune à toute l’Église dont les individus font partie. Le saint patron du chrétien est choisi sur la liste officielle des saints reconnus par l’Église catholique, et ce sont également des règles canoniques qui prescrivent comment chaque fidèle doit s’acquitter de ce culte particulier. De même, l’idée que chaque homme a nécessairement un génie protecteur est, sous des formes différentes, à la base d’un grand nombre de religions américaines, comme de la religion romaine (pour ne citer que ces deux exemples) ; car elle est, ainsi qu’on le verra plus loin, étroitement solidaire de l’idée d’âme et l’idée d’âme n’est pas de celles qui peuvent être entièrement abandonnées à l’arbitraire des particuliers. En un mot, c’est l’Église dont il est membre qui enseigne à l’individu ce que sont ces dieux personnels, quel est leur rôle, comment il doit entrer en rapports avec eux, comment il doit les honorer. Quand on analyse méthodiquement les doctrines de cette Église, quelle qu’elle soit, un moment arrive où l’on rencontre sur sa route celles qui concernent ces cultes spéciaux. Il n’y a donc pas là deux religions de types différents et tournées en des sens opposés ; mais ce sont, de part et d’autre, les mêmes idées et les mêmes principes, appliqués ici, aux circonstances qui intéressent la collectivité dans son ensemble, là, à la vie de l’individu. La solidarité est même tellement étroite que, chez certains peuples[1], les cérémonies au cours desquelles le fidèle entre pour la première fois en communication avec son génie protecteur sont mêlées à des rites dont le caractère public est incontestable, à savoir aux rites d’initiation[2].

  1. Chez de nombreux peuples indiens de l’Amérique du Nord notamment.
  2. Cette constatation de fait ne tranche pas, d’ailleurs, la question de savoir si la religion extérieure et publique n’est que le développement d’une religion intérieure et personnelle qui serait le fait primitif, ou