Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/189

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seulement on risque d’en omettre d’essentiels et qui contredisent ceux qui sont connus, mais encore on n’est pas sur de bien connaître ces derniers. En fait, ce qui a souvent discrédité les raisonnements des sociologues, c’est que, comme ils ont employé de préférence la méthode de concordance ou celle de différence et surtout la première, ils se sont plus préoccupés d’entasser les documents que de les critiquer et de les choisir. C’est ainsi qu’il leur arrive sans cesse de mettre sur le même plan les observations confuses et rapidement faites des voyageurs et les textes précis de l’histoire. Non seulement, en voyant ces démonstrations, on ne peut s’empêcher de se dire qu’un seul fait pourrait suffire à les infirmer, mais les faits mêmes sur lesquels elles sont établies n’inspirent pas toujours confiance.

La méthode des variations concomitantes ne nous oblige ni à de ces énumérations incomplètes, ni à de ces observations superficielles. Pour qu’elle donne des résultats, quelques faits suffisent. Dès qu’on a prouvé que, dans un certain nombre de cas, deux phénomènes varient l’un comme l’autre, on peut être certain qu’on se trouve en présence d’une loi. N’ayant pas besoin d’être nombreux, les documents peuvent être choisis et, de plus, étudiés de près par le sociologue qui les emploie. Il pourra donc et, par suite, il devra prendre pour matière principale de ses inductions les sociétés dont les croyances, les traditions, les mœurs, le droit ont pris corps en des monuments écrits et authentiques. Sans doute, il ne dédaignera pas les renseignements de l’ethnographie (il n’est pas de faits qui puissent être dédaignés par le savant), mais il les mettra à leur vraie place. Au lieu d’en