Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/199

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divisent les métaphysiciens. Elle n’a pas plus à affirmer la liberté que le déterminisme. Tout ce qu’elle demande qu’on lui accorde, c’est que le principe de causalité s’applique aux phénomènes sociaux. Encore ce principe est-il posé par elle, non comme une nécessité rationnelle, mais seulement comme un postulat empirique, produit d’une induction légitime. Puisque la loi de causalité a été vérifiée dans les autres règnes de la nature, que, progressivement, elle a étendu son empire du monde physico-chimique au monde biologique, de celui-ci au monde psychologique, on est en droit d’admettre qu’elle est également vraie du monde social ; et il est possible d’ajouter aujourd’hui que les recherches entreprises sur la base de ce postulat tendent à le confirmer. Mais la question de savoir si la nature du lien causal exclut toute contingence n’est pas tranchée pour cela.

Au reste, la philosophie elle-même a tout intérêt à cette émancipation de la sociologie. Car, tant que le sociologue n’a pas suffisamment dépouillé le philosophe, il ne considère les choses sociales que par leur côté le plus général, celui par où elles ressemblent le plus aux autres choses de l’univers. Or, si la sociologie ainsi conçue peut servir à illustrer de faits curieux une philosophie, elle ne saurait l’enrichir de vues nouvelles, puisqu’elle ne signale rien de nouveau dans l’objet qu’elle étudie. Mais en réalité, si les faits fondamentaux des autres règnes se retrouvent dans le règne social, c’est sous des formes spéciales qui en font mieux comprendre la nature parce qu’elles en sont l’expression la plus haute. Seulement, pour les apercevoir sous cet aspect, il