Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/20

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façon, quelles que soient les choses représentées ? On en vient ainsi à concevoir la possibilité d’une psychologie toute formelle qui serait une sorte de terrain commun à la psychologie individuelle et à la sociologie ; et c’est peut-être ce qui fait le scrupule qu’éprouvent certains esprits à distinguer trop nettement ces deux sciences.

À parler rigoureusement, dans l’état actuel de nos connaissances, la question ainsi posée ne saurait recevoir de solution catégorique. En effet, d’une part, tout ce que nous savons sur la manière dont se combinent les idées individuelles se réduit à ces quelques propositions, très générales et très vagues, que l’on appelle communément lois de l’association des idées. Et quant aux lois de l’idéation collective, elles sont encore plus complètement ignorées. La psychologie sociale, qui devrait avoir pour tache de les déterminer, n’est guère qu’un mot qui désigne toutes sortes de généralités, variées et imprécises, sans objet défini. Ce qu’il faudrait, c’est chercher, par la comparaison des thèmes mythiques, des légendes et des traditions populaires, des langues, de quelle façon les représentations sociales s’appellent et s’excluent, fusionnent les unes dans les autres ou se distinguent, etc. Or si le problème mérite de tenter la curiosité des chercheurs, à peine peut-on dire qu’il soit abordé, et tant que l’on n’aura pas trouvé quelques-unes de ces lois, il sera évidemment impossible de savoir avec certitude si elles répètent ou non celles de la psychologie individuelle.

Cependant, à défaut de certitude, il est tout au moins probable que, s’il existe des ressemblances entre ces deux sortes de lois, les différences ne doivent pas être moins marquées. Il paraît, en effet, inadmissible que la matière dont sont faites les représentations n’agisse pas sur leurs modes de combinaisons. Il est vrai que les psychologues parlent parfois des lois de l’association des idées, comme si elles étaient les mêmes pour toutes les espèces de représentations individuelles. Mais rien n’est moins vraisemblable : les images ne se composent pas entre elles comme les sensations, ni les concepts comme les images. Si la psychologie était plus avancée, elle constaterait, sans doute, que chaque catégorie d’états mentaux a ses lois