Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/72

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la même règle. Quand on abordera, par exemple, l’étude du clan, ou de la famille maternelle, ou de la famille patriarcale, on commencera par les définir et d’après la même méthode. L’objet de chaque problème, qu’il soit général ou particulier, doit être constitué suivant le même principe.

En procédant de cette manière, le sociologue, dès sa première démarche, prend immédiatement pied dans la réalité. En effet, la façon dont les faits sont ainsi classés ne dépend pas de lui, de la tournure particulière de son esprit, mais de la nature des choses. Le signe qui les fait ranger dans telle ou telle catégorie peut être montré à tout le monde, reconnu de tout le monde et les affirmations d’un observateur peuvent être contrôlées par les autres. Il est vrai que la notion ainsi constituée ne cadre pas toujours ou même ne cadre généralement pas avec la notion commune. Par exemple, il est évident que, pour le sens commun, les faits de libre pensée ou les manquements à l’étiquette, si régulièrement et si sévèrement punis dans une multitude de sociétés, ne sont pas regardes comme des crimes même par rapport à ces sociétés. De même, un clan n’est pas une famille, dans l’acception usuelle du mot. Mais il n’importe ; car il ne s’agit pas simplement de découvrir un moyen qui nous permette de retrouver assez sûrement les faits auxquels s’appliquent les mots de la langue courante et les idées qu’ils traduisent. Ce qu’il faut, c’est constituer de toutes pièces des concepts nouveaux, appropriés aux besoins de la science et exprimés à l’aide d’une terminologie spéciale. Ce n’est pas, sans doute, que le concept vulgaire soit inutile au savant ; il sert d’indicateur. Par lui, nous sommes informés