Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/82

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distinguer dans nos impressions ce qui dépend du dehors, et ce qui leur vient de nous. Or, la vie sociale tant qu’elle n’est pas arrivée à s’isoler des événements particuliers qui l’incarnent pour se constituer à part, a justement cette propriété, car, comme ces événements n’ont pas la même physionomie d’une fois à l’autre, d’un instant à l’autre et qu’elle en est inséparable, ils lui communiquent leur mobilité. Elle consiste alors en libres courants qui sont perpétuellement en voie de transformation et que le regard de l’observateur ne parvient pas à fixer. C’est dire que ce côté n’est pas celui par où le savant peut aborder l’étude de la réalité sociale. Mais nous savons qu’elle présente cette particularité que, sans cesser d’être elle-même, elle est susceptible de se cristalliser. En dehors des actes individuels qu’elles suscitent, les habitudes collectives s’expriment sous des formes définies, règles juridiques, morales, dictons populaires, faits de structure sociale, etc. Comme ces formes existent d’une manière permanente, qu’elles ne changent pas avec les diverses applications qui en sont faites, elles constituent un objet fixe, un étalon constant qui est toujours à la portée de l’observateur et qui ne laisse pas de place aux impressions subjectives et aux observations personnelles. Une règle du droit est ce qu’elle est et il n’y a pas deux manières de la percevoir. Puisque, d’un autre côté, ces pratiques ne sont que de la vie sociale consolidée, il est légitime, sauf indications contraires[1] d’étudier celle-ci à travers celles-là.

  1. Il faudrait, par exemple, avoir des raisons de croire que, à un moment donné, le droit n’exprime plus l’état véritable des relations sociales, pour que cette substitution ne fût pas légitime.