Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quand, donc, le sociologue entreprend d’explorer un ordre quelconque de faits sociaux, il doit s’efforcer de les considérer par un côté où ils se présentent isolés de leurs manifestations individuelles. C’est en vertu de ce principe que nous avons étudié la solidarité sociale, ses formes diverses et leur évolution à travers le système des règles juridiques qui les expriment[1]. De même, si l’on essaie de distinguer et de classer les différents types familiaux d’après les descriptions littéraires que nous en donnent les voyageurs et, parfois, les historiens, on s’expose à confondre les espèces les plus différentes, à rapprocher les types les plus éloignés. Si, au contraire, on prend pour base de cette classification la constitution juridique de la famille et, plus spécialement, le droit successoral, on aura un critère objectif qui, sans être infaillible, préviendra cependant bien des erreurs[2]. Veut-on classer les différentes sortes de crimes ? on s’efforcera de reconstituer les manières de vivre, les coutumes professionnelles usitées dans les différents mondes du crime, et on reconnaîtra autant de types criminologiques que cette organisation présente de formes différentes. Pour atteindre les mœurs, les croyances populaires, on s’adressera aux proverbes, aux dictons qui les expriment. Sans doute, en procédant ainsi, on laisse provisoirement en dehors de la science la matière concrète de la vie collective, et cependant, si changeante qu’elle soit, on n’a pas le droit d’en postuler a priori l’inintelligibilité. Mais si l’on veut suivre une voie méthodique,

  1. V Division du travail social, l. I.
  2. Cf. notre Introduction à la Sociologie de la famille, in Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, année 1889.