Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/71

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laume II envoyait au Tzar un télégramme où il n’était pas question de la mobilisation générale russe. À ce moment donc, le gouvernement de Berlin l’ignorait. Déjà cette ignorance, à cette heure avancée de la journée, est incompréhensible, si le décret russe de mobilisation remontait à la nuit précédente. Mais voici qui lève tous les doutes, s’il en peut rester encore. Après avoir reproduit le texte du télégramme impérial, l’auteur de la Préface du Livre Blanc (p. 12) ajoute : « Ce télégramme n’était pas encore arrivé à sa destination que la mobilisation de toutes les forces russes, ordonnée déjà ce même jour (31 juillet) dans la matinée (am Vormittag), était en voie de réalisation ». Vormittag, c’est la matinée, et plutôt la seconde partie de la matinée, vers 11 heures, non la nuit du 30 au 31. Le gouvernement allemand avait répondu par avance à son journal.

Ceci établi, nous devons ajouter que l’importance attachée par l’Allemagne à la question de la mobilisation russe est de pur pharisaïsme. Même si cette mobilisation n’avait pas eu lieu, l’Allemagne aurait mobilisé ce jour-là et la guerre en serait résultée. Nous avons vu, en effet, combien le télégramme de Guillaume II, écrit à deux heures de l’après-midi, était déjà menaçant, bien que, à ce moment, il ignorât la mobilisation russe. De même, dans la matinée, le Chancelier annonçait à l’ambassadeur d’Angleterre que « des mesures très graves » allaient être prises contre la Russie, « peut-être aujourd’hui » (Cor. B., nos 108, 109). Et pourtant il ne sut que plus tard que la Russie mobilisait (Cor. B., no 112). — On était donc à l’affût d’un prétexte ; la mobilisation russe a simplement corsé celui qu’on avait en vue.