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amour vainqueur
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saierai à être grand, dans l’espoir que tu me trouves toujours digne de toi.

À ce moment, Ninie revenait à la gaieté par l’espérance de recevoir dans la solitude, des nouvelles de son ami, reprit vivement : Oh, mon cher Rogers, moi aussi, je te garderai mon amour, je t’aime bien ; et si j’en juge par les dispositions de mon âme depuis que je te connais, je t’appartiens toute entière, et le souvenir de cette première excursion avec toi, sur les eaux du lac Témiscamingue ne sera à jamais effacé de ma mémoire ; mon cœur gardera longtemps pour mon bon ami, Rogers, une amitié que rien ne pourra altérer !

La veillée était finie ; les assistants se préparaient à partir ; Rogers promit à Ninie d’être au train le lendemain et se retira, en lui pressant les mains et en lui remettant un petit billet.

Rendue à sa chambrette, la jeune fille s’empressa d’ouvrir ce petit billet qui contenait ces mots :


Ma chère Ninie,

Je ne puis t’exprimer mieux mes sentiments qu’en te priant de lire cette petite poésie de Victor Hugo :

Puisque j’ai mis ma lèvre, à ta coupe encore pleine ;
Puisque j’ai, dans tes mains, posé mon front pâli ;
Puisque j’ai respiré parfois la douce haleine
de ton âme, parfum dans l’ombre enseveli ;

Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire
Les mots où se répand le cœur mystérieux :
Puisque j’ai vu pleurer, puisque j’ai vu sourire,
Ta bouche sur ma bouche, et tes yeux sur mes yeux ;

Puisque j’ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j’ai vu tomber dans l’onde de ma vie,
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;

Je puis maintenant dire aux rapides années :
Passez ! passez toujours ! je n’ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir !

Votre aile, en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m’abreuve et que j’ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous avez de cendre !
Mon cœur a plus d’amour que vous n’avez d’oubli !