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amour vainqueur

le délaisser et l’abandonner ; il aurait aimé à recevoir de son regard, une flamme sinon d’amour, au moins d’estime ; il aurait aimé à recueillir sur ses lèvres, un dernier baiser, baiser chaste de paix, serment d’oubli et de discrétion, foi jurée de toujours s’estimer !

Si je pouvais, se disait-il, seulement la voir, il me semble que les combats qui se livrent dans mon cœur, cesseraient, et que le calme étant rétabli dans mon âme, je pourrais plus facilement me vouer au Seigneur ! Il avait essayé plus d’une fois, timidement, à parler à son oncle, de sa vocation, pour finir par lui révéler toute la source de ses peines et de ses profondes misères. Mais le vieillard, lui avait répondu de ne pas s’arrêter à ces considérations, que ce n’étaient que des tentations que le démon lui tendaient !

Dès lors, Rogers adressa à son amie Ninie, qu’il croyait encore à Guigues, mais qui était rendue à Montréal où elle occupait une position de confiance, une petite poésie de Paul Déroulède au bas de laquelle, il signa son nom, en y ajoutant les mots : si tu daignes me répondre, adresse ta missive à poste restante, ici où je passe mes vacances ! cette petite poésie se lisait ainsi :

Si tu veux de ma vie, un jour et puis un jour,
Hôtesse passagère, entre dans ma demeure,
Et des pesants soucis qui font mon front si lourd,
J’aurai garde qu’aucun te touche ni t’effleure.
Mais, comme ces vieux vins que l’on verse au retour
Je verserai pour toi, ma gaieté la meilleure.
Si tu veux de ma vie, un jour et puis un jour,

Si tu veux de ma vie un mois et puis un mois,
Ce pacte de plaisir peut se signer encore.
Nous choisirons avril et la senteur des bois,
Juin et ses douces nuits avec sa douce aurore.
Puis, nous nous quitterons, sans ces sombres émois,
Fleurs de regret qu’un trop long bonheur fait éclore.
Si tu veux de ma vie un mois et puis un mois.

Si tu veux de ma vie, un an et puis un an.
Ô vanité ! tout est vanité ! dit l’Apôtre !
Tous nos beaux feux de joie, à l’éclat rayonnant,
Pourraient bien être éteints d’une saison à l’autre,
Mais tant qu’ils flamberont, comme ils font maintenant,
Quel sort sera le tien ! quel délice le nôtre !
Si tu veux de ma vie un an et puis un an.