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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/125

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LES DEUX TESTAMENTS

des visiteurs, Mde Bernier proposa une excursion aux “Marches Naturelles”.

La proposition fut acceptée avec plaisir.

Seul, M. Bernier prétexta un mal de tête et resta à la maison, ce qui ne causa de regrets à personne, car il n’y avait que sa fille qui ne se sentait pas gênée en sa présence.

On chemina donc gaiment à travers les champs.

M. Prévost qui ouvrait la marche, le nez au vent et l’air heureux, marchait à grand pas en fumant sa pipe chérie.

Ce digne homme était un Québecquois et l’air natal lui allait à merveille.

De plus, cette course, à travers les champs, lui rappelait son enfance et le temps où il allait, nu-pieds et sans soucis, faire l’école buissonnière sur les bords de la rivière St-Charles.

Marie-Louise et Joe les suivaient.

Ils ne se disaient pas grand’chose, à la vérité, mais il eut été difficile de trouver dans ce monde deux êtres plus heureux qu’ils ne l’étaient en ce moment.

Ils étaient jeunes, ils s’aimaient. Que leur fallait-il de plus que cela, au milieu de ces champs embaumés et sous ce ciel si bleu et si doux.

Mde Bernier et Mde Prévost fermaient la marche.

Ainsi que M. Prévost, les deux cousines se rappelaient en ce moment leur jeunesse heureuse et surtout les longs jours de vacances qu’elles avaient passés ensemble chez leur grand’père.

Mde Bernier oubliait les tristesses de sa vie de femme pour ne songer qu’aux joies de son enfance.

— Te rappelles tu du petit bois où il y avait tant de framboises ? demanda t elle à sa cousine.

— Si je m’en rappelle ? Je le crois bien, et aussi des bonnes tartes que memère nous faisait quand nous en rapportions une grande quantité à la maison.

Moi aussi, je me rappelle des tartes de memère et des beignets qui étaient encore meilleurs.

— Te rappelles tu la vache noire du voisin qui avait failli nous écorner, dans le champ que nous traversions pour aller au bord de la rivière ?

Et du gros chien que nous avons pris pour un loup dans le bocage ?

Et Pepère qui avait décroché son fusil pour aller le tirer ?

Ainsi parlaient les deux cousines en s’animant de plus en plus.

De temps en temps, leurs joyeux éclats de rires arrivaient à l’oreille des deux jeunes gens.