Aller au contenu

Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
LES DEUX TESTAMENTS

— Je n’ai jamais vu maman aussi gaie, disait Marie-Louise, étonnée et heureuse.

Enfin on arriva à la lisière de bois qui cache au regard la Rivière Montmorency à l’endroit des marches, et il fallut s’engager dans un étroit sentier qui descend en biais et tout graduellement la côte assez à pic.

— Laissez moi vous donner le bras, dit Joe à Marie-Louise.

— Oh ! non ! merci, je suis bien habituée à descendre ce sentier sans aide.

M. Prévost qui possédait de longues jambes était déjà rendu en bas, à l’entrée des marches et il promenait ses regards étonnés et ravis sur ce paysage étrange et beau, qui ne ressemble à rien autre chose au monde.

Le haut mur de roc massif qui s’élève du coté opposé de la rivière, très étroite en cet endroit excitait surtout son admiration.

— On dirait que c’est bâti par des maçons, ce mur là, disait il, en s’approchant du bord escarpé de la plate-forme de roc sur laquelle il était stationné.

— Tu vas tomber, vieux ! lui cria sa digne épouse toute effrayée.

La bonne femme n’osait pas approcher plus de six pieds du bord, de crainte de tomber dans le torrent.

Cependant, elle eut le courage de s’avancer assez pour saisir son époux par la queue de son habit, afin de le retenir en cas de chute.

Cependant, le grand air ayant mis nos gens en appétit, Mde Bernier ouvrit le panier dont M. Prévost s’était chargé, en quittant la maison, et en tira successivement du pain, du fromage, des gateaux, des fruits et plusieurs bouteilles de bière d’épinette ; et l’on se mit en devoir de faire honneur à ces mets simples et frugaux, auxquels la beauté de l’entourage, le chant des oiseaux, et la joyeuse humeur des convives donnaient une saveur délicieuse.

Après ce modeste repas, M. Prévost se mit à lire son journal. Mde Prévost et Mde Bernier continuèrent à explorer la rive, audelà, et Marie Louise et Joe se mirent à cueillir des mignonnes fleurs bleues qui croissaient en abondance entre les massifs dégrés de pierre.

Quand ils en eurent cueillies une certaine quantité, ils s’assirent tous deux sur une des marches pour se faire des bouquets.

Alors, Joe prit la parole.

— Mademoiselle, dit-il, doucement, et sa voix noble et musicale, tremblait un peu, mademoiselle