saviez comme l’amour d’une mère m’a manqué dans ma triste vie d’orphelin abandonné.
— Et moi, j’ai toujours désiré d’avoir un fils, bon et loyal comme vous ; mes vœux seront exaucés enfin, car vous serez un fils pour moi ; je le sens, et s’étant levée, elle déposa un baiser maternel sur le beau front noble du jeune homme, et sortit le laissant ivre d’espérance et de bonheur.
— Maintenant, il s’agit de parler à mon mari, se disait-elle, et cela sans tarder.
Elle se rendit donc à la chambre de M. Bernier. où elle savait le trouver.
— J’ai à vous parler, dit-elle, en voyant l’étonnement qu’il semblait éprouver de cette visite inattendue.
— C’est bien, essayez-vous dit-il froidement, car depuis la scène orageuse qui avait eu lieu entre les deux époux, il avait mis de coté, toutes les attestions délicates, et tous les témoignages d’affection avec lesquels il avait espéré longtemps de se faire enfin aimer d’elle.
— C’est de Marie-Louise qu’il s’agit.
— Ah ! fit M. Bernier subitement intéressé.
— M. Allard, l’ami de ma cousine aime notre fille et notre fille l’aime.
C’est un bon jeune homme, honnête, religieux, bien élevé, et qui convient à Marie-Louise sous tous les rapports.
— Excepté sous celui de la fortune, interrompit sèchement son mari.
— Marie-Louise est assez riche pour deux, et je la connais assez pour savoir qu’elle préférerait le bonheur à la richesse.
Vous devez savoir mieux que n’importe qui que l’amour est la première chose dans le mariage, ajouta t elle en regardant bien fixement son mari. Du reste il n’est pas juste de dire que le jeune homme est vraiment pauvre. Il a du talent, de l’ambition, il a une bonne position, son patron l’estime, et il reçoit un salaire assez considérable pour lui permettre de faire vivre sa femme dans une honnête aisance, sinon dans le luxe.
Enfin, je ne vois pas comment nous pouvons raisonnablement rejeter sa demande, sachant que Marie-Louise l’aime et qu’elle serait très malheureuse, si nous refusions de le lui donner pour époux.
Pendant que Mde Bernier parlait, son mari réfléchissait profondément.
Elle ne s’était pas trompée dans son idée qu’il devait rêver un mari très riche pour sa fille. C’était en effet son désir.