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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/129

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LES DEUX TESTAMENTS

et je vous prie d’y répondre franchement et sans détour.

J’ai cru m’apercevoir, depuis votre arrivée ici, que vous aimiez ma fille. Me suis-je trompée ?

— Non madame, répondit Joe en levant sur elle ses yeux francs et expressifs. Vous ne vous êtes pas trompée. J’aime en effet votre fille.

J’ai fait, cependant, tous les efforts possibles pour ne pas laisser paraître ce sentiment que je voulais garder en moi-même. Vous m’avez deviné pourtant.

Ne m’en voulez pas, je vous en prie, car je suis bien excusable, il me semble, car peut-on voir votre fille sans l’aimer.

— Je ne vois pas pourquoi je vous en voudrais.

Aussi, n’est-ce pas pour vous faire des reproches que je vous ai de mandé cet entretien.

Au contraire. Si vous compreniez comme je vous suis favorable, vous ne seriez pas aussi découragé que vous semblez l’être.

— Madame, dit Joe tout ému ; que dois-je croire de vos paroles. Me serait-il donc permis d’espérer ?

Pardonnez-moi mon émotion. Ce bonheur inattendu semble m’oter la raison. Il me semble que je rêve.

— Remettez vous, mon ami, dit doucement Mde Bernier. Vous ne rêvez pas. C’est bien comme je vous le dit. Si ma fille vous aime, elle aussi, ce dont je ne doute pas, je ferai tout en mon possible pour vous rendre heureux, tous les deux.

— Mais, madame, ignorez-vous que je suis pauvre, que je n’ai que mon salaire de chaque semaine pour vivre.

— Non, je ne l’ignore pas, mais je ne trouve pas que cela soit un empêchement sérieux.

La première chose dans le mariage, c’est l’amour et l’estime mutuel ; de plus il faut un certain rapport entre les âges, les caractères, les conditions sociales, et les goûts.

Je trouve que vous convenez bien à Marie Louise, sous tous ces rapports, et je crois que vous la rendrez heureuse.

— Oh ! tout cela vous pouvez en être certaine ! je l’aime tant ! En disant cela, il regardait Mme Bernier bien franchement avec ses beaux yeux noirs humides de larmes de reconnaissance et de bonheur.

Et vous qui êtes si bonne, si généreuse, vous me permettrez, de vous aimer et de vous chérir comme une mère, n’est ce pas ? Oh ! si vous