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Je la comparerais encore à ces semences entassées au fond des caves. On les a déposées là, porte close. Un jour un filament végétal déborde au soupirail. Et nous découvrons tout à coup la germination lente qui s’est faite dans le souterrain.

Germinations obscures du subconscient ou plutôt brillants météores rayant l’atmosphère de la conscience : telles sont les images. Le rôle du poète, c’est de fixer dans un rythme certain ces points d’apparition des idées qui s’élaborent en nous. Nous ne lui demandons pas de nous associer à cette élaboration obscure, de nous révéler ce processus caché. Mais il doit nous offrir les jalons lumineux qui nous permettront de refaire, chacun à notre guise, toute une course dans la nuit.

Cette conception diffère un peu de celle des âges classiques. Alors le poète avait la même tâche, car il n’y a au fond qu’une tâche poétique, mais à l’œuvre d’évocation plastique et musicale se mêlait une plus large part d’analyse et d’éloquence. Ces deux éléments se sont détachés peu à peu, — par soustraction, — des éléments exclusivement poétiques, image et rythme :

Tout ce qui met dans l’âme une attente immortelle,


et c’est à ce détachement progressif que Baudelaire aura contribué plus qu’aucun autre à