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SOUVENIRS


afin de n’être pas, au dernier moment, affligée d’un rhume de cerveau ou de quelques feux de visage qui m’auraient enlaidie.

Je me purgeai, je pris des bains, je me tins chaudement, je ne m’exposai pas au froid, je fis enfin, conseillée en secret par mon père, tout ce qui était nécessaire pour me maintenir en bon état et en beauté.

De plus, je voulus faire ma robe de bal moi-même. J’avais un excellent patron que maman m’avait procuré. Elle se mit gracieusement à l’ouvrage avec moi, ainsi que mes deux sœurs, et, pendant quinze jours, nous voilà toutes quatre taillant, cousant et bavardant. Nous fîmes un chef-d’œuvre.

C’était une robe toute simple, en tulle blanc, sans aucuns nœuds ni agréments d’aucune sorte. Il n’y avait même pas de garnitures de dentelles. Je l’essayai quand elle fut faite. Elle m’allait à merveille, me prenait bien la taille, dégageait les épaules. Ma mère et moi, nous nous embrassâmes. Depuis l’affaire Gobert, ce fut le premier élan de cœur que je surpris chez elle, à mon endroit.

Le grand jour arriva enfin. J’avais pris un bain le matin. Je me sentais fraîche, reposée, la tête calme, le pouls tranquille, en pleine possession de moi-même. Je me coiffai toute seule, selon mon habitude, et je ne mis pas le moindre orne-