Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
D’UNE COCODETTE


ment, pas même une fleur, dans les larges bandeaux de mes cheveux noirs. Ma robe produisait un effet délicieux, et j’étais chaussée « comme un ange. » Il y avait un monde énorme dans les salons de l’Hôtel-de-Ville quand nous y entrâmes, ma mère et moi marchant de front, en avant, sans nous donner le bras, mon père nous suivant, et prenant toute sorte de précautions touchantes pour ne pas s’empêtrer les pieds dans nos jupes. Je ne fus pas trop ahurie, ni trop éblouie par l’éclat des lumières, le mouvement de la foule, et la chaleur, quoiqu’elle fût excessive, ne m’incommoda nullement. Je puis dire, sans immodestie, que, ma mère et moi, nous attirions tous les regards.

Ma mère était en bleu, avec des touffes de barbeaux entremêlés d’épis dans ses blonds cheveux. Jamais je ne l’avais vue plus ravissante que ce soir-là.

Évidemment, elle s’était appliquée pour ne pas se laisser éclipser.

Ses épaules, sa poitrine, ses bras étaient d’un éclat sans pareil.

Quoiqu’elle eût quarante ans sonnés, elle avait l’air heureux, et on l’aurait crue toute jeune. C’était peut-être parce que le Gobert n’était pas là, avec sa mine vertueuse. Nous ne nous ressemblions pas, nous avions même les types les plus différents, comme je crois l’avoir dit, et tout le