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SOUVENIRS


monde nous prenait pour les deux sœurs.

Mais il est temps de parler de moi.

L’effet que je produisis fut immense.

Plus de cent personnes me l’ont dit depuis. De mémoire d’homme, on n’avait vu à Paris un début pareil. Ma grande taille, ma tournure ondoyante[1] faisaient valoir tous mes avantages. J’étais entièrement vêtue de blanc.

Pas un bijou, ni boucles d’oreilles, ni collier, ni bracelets. Rien, ma robe blanche, des souliers blancs et des gants blancs. Mon corsage était très décolleté sur les épaules, de même que par derrière et par devant, ainsi que la mode l’exige, et, avec une peau satinée, mes joues rosées, mes yeux et les bandeaux de mes cheveux noirs, j’avais l’air, me dit depuis, bien souvent, mon père, « d’une déesse sortant d’un nuage. »

Lorsque nous fûmes assises, ma mère et moi, un grand cercle nous entoura. Tout le monde nous regardait. Les hommes surtout. Ils se faisaient présenter à nous, à tour de rôle, et ne tarissaient pas en compliments.

C’était plus que de l’admiration qu’ils paraissaient avoir pour moi.

Il se tenaient devant moi, comme en extase. Plus tard, j’aurais compris l’expression de leurs

  1. Variante, ligne 7, après ondoyante ; lire : mon meneo, diraient les Espagnols.