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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/185

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D’UNE COCODETTE


conseils que je vous donnerai pour la conserver.

Tel était l’espèce de fou philosophique, et tant soit peu naïf, que mon étoile m’avait donné pour mari. Je dois lui rendre la justice de convenir que sa folie était douce, et qu’il s’ingéniait constamment à me rendre l’existence agréable et facile. Il me laissait la plus entière liberté de tout ranger et déranger dans la maison, de recevoir qui je voulais, d’aller et de venir à ma guise. Il était généreux, parfois même prodigue, et se plaisait à me faire de jolis cadeaux. Je m’attachais à lui insensiblement, autant par reconnaissance que par habitude.

— Vous pensez, lui disais-je un jour, que les femmes sont toutes sans cœur. Je vous assure que vous avez tort, au moins en ce qui me concerne. La preuve en est que je ferai toujours mon possible pour vous rendre heureux.

— Je ne dis point que les femmes n’ont pas de cœur, répondit-il, mais seulement qu’il n’est point nécessaire quelles en aient. Je ne vous demande pas de m’aimer ; ce serait inutile. Je n’exige de vous que de la soumission à mes idées.

Malheureusement, comme il arrive presque toujours, c’était précisément ce qu’il me demandait que je ne pouvais prendre sur moi de lui accorder. J’ai toujours été chatouilleuse ; et il passait son temps, dans mon cabinet de toilette, gravement occupé à me déshabiller, m’examiner,