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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/236

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SOUVENIRS


J’avais froid dans le dos. Cependant, je fus assez forte pour payer d’audace.

— Excusez-moi, lui dis-je. C’était uniquement pour savoir où nous en sommes.

Lorsque mon mari fut parti :

« Comment faire pour revoir cette affreuse femme tout de suite ? » me demandai-je.

Hélas ! la Couradilles ne m’avait pas laissé son adresse.

Et voilà que, maintenant, j’avais pris mon parti, j’étais décidée à me vendre.

Je ne parlerai point des angoisses terribles qui me rendirent malade pendant plusieurs jours. J’avais la fièvre. Je gardai le lit. L’idée de m’immoler me tenait et m’inspirait une sorte de fierté extraordinaire.

Plus j’y réfléchissais, plus je passais en revue, dans mon esprit, tous les détails probables du sacrifice, plus la chose me semblait possible.

La vérité était que mes dettes personnelles s’élevaient à vingt mille francs. Je n’avais dit « cent mille » à la Couradilles que pour être crue, par un singulier amour-propre. Il me semblait que, à l’époque où nous vivons, une femme à la mode ne pouvait pas se contenter d’avoir pour vingt mille francs de dettes, que cela ne paraîtrait probable à personne, et ne serait pas, d’ailleurs, considéré comme de « bon ton. »

Je ne devais qu’à ma couturière, laquelle était,