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SOUVENIRS


en pleurant. Mais, par pitié, mettez-vous un moment à ma place. Existe-t-il jamais une situation plus pénible que la mienne ! Moi, femme mariée, jusqu’ici, je puis le dire avec orgueil, honnête femme, je me suis vendue à vous[1], dans le seul but de payer des créanciers impitoyables. Vous savez bien que je ne vous aime pas, que je ne peux pas vous aimer. L’affection peut-elle être l’objet d’un marché ?

Pendant que je cherchais instinctivement à l’entraîner sur le terrain de ma situation[2], où j’avais tous les avantages, le baron ne perdait pas la tête et ses mains continuaient à me tracasser. J’en revins donc à ma première feinte, qui était d’affecter de ne pouvoir me tenir en place, de m’agiter et de me révolter au plus léger attouchement.

— J’ai fait une déplorable affaire, reprenait le baron, à tous les points de vue. Si j’avais été plus adroit, vous vous seriez donnée à moi depuis longtemps et cela ne m’aurait pas coûté cent mille francs[3].

  1. Variante, ligne 5, après vous ; lire : sans même savoir que c’était vous.
  2. Variante, ligne 11, au lieu de de ma situation ; lire : du sentiment.
  3. Variante, ligne 20, au lieu de et cela ne m’aurait pas coûté cent mille francs ; lire : et le plus gentiment du monde.