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SOUVENIRS


je lui rappelais « la déesse Calypso parmi ses nymphes ». Le fait est que ma taille me donnait une supériorité d’une nature particulière, mais incontestable, sur toutes les femmes. Ce qu’il y eut toujours de plus remarquable, je n’ose pas dire « de plus séduisant » en moi, c’est que tout en demeurant très grande, je sus toujours rester très mince, et sans maigreur. Même à trente ans, âge auquel, assure-t-on, les femmes prennent toujours un peu d’embonpoint, on ne m’aurait pas trouvé d’épaisseurs malséantes en aucune place de mon corps. Mes pieds comme mes mains, demeurèrent toujours d’une finesse de forme et d’une délicatesse irréprochables. Mon corsage « correctement modelé, disait mon père, sur celui d’Hébé, » ne s’accentua jamais de manière à me faire élargir mes robes d’un seul point. Il en fut de même de mon cou, de mes épaules, de ma ceinture, de toutes les autres parties de ma personne. J’avais, comme j’ai encore, la peau extrêmement fine et satinée, blanche et rose, d’un grain doux, qui contrastait heureusement avec mes cheveux abondants, soyeux et d’un noir bleuâtre ; mes sourcils et mes yeux également noirs. Les mauvaises langues disaient que j’avais la bouche trop grande ; mais mon père, qui était connaisseur en cette matière, puisqu’il avait pour spécialité d’étudier les races humaines, assurait que cette bouche, aux lèvres ondulées, épaisses