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SOUVENIRS


parcourir d’une traite l’espèce de couloir couvert qui passait sous les tables, sans que la surveillante, assise dans sa chaire et dominant nos têtes du regard, pût l’apercevoir.

Ces explications étaient utiles pour faire comprendre l’événement dont le récit suivra bientôt. Mais il me faut d’abord parler de mes voisines. Celle de droite était une grande blonde, aux belles chairs, d’environ dix-huit ans qui, avec ses yeux bleus, la couronne formée par une natte de ses cheveux d’or qui lui descendait sur le front, et sa bouche pure, avait un air chaste, inspiré. On l’aurait crue toujours plongée dans le Ciel. Elle se nommait Aglaé ; on l’avait surnommée la « Muse », à cause de sa figure poétique.

À partir d’Aglaé, et toujours à ma droite étaient placées toutes les élèves les plus grandes. De ma place, en portant les yeux de ce côté, j’apercevais une longue et gracieuse ligne de cous penchés, de chignons relevés, de belles mains, de jolis profils, de gorges mouvantes.

Immédiatement à ma gauche, se trouvait une toute jeune fille, d’origine espagnole, et qui portait le nom de Carmen. Elle était de taille petite, très remuante, vive, malicieuse, extrêmement brune, avec de beaux yeux noirs, des lèvres épaisses, une véritable forêt de cheveux noirs, et un très fin duvet, également noir, qui couvrait ses joues roses et donnait à sa physionomie