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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/84

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SOUVENIRS


Elle s’agitait sur son siège, sa gorge se soulevait et s’abaissait, son visage était rouge jusqu’à la racine des cheveux, elle respirait avec effort, et, avec une persistance singulière, elle tenait les yeux fixés à terre, entre ses deux pieds. Ce qu’il y avait de plus singulier, c’est que la plupart des voisines d’Aglaé semblaient s’apercevoir de son émotion, et cependant, comme par un accord tacite, aucune d’elles ne faisait et ne disait rien qui pût attirer l’attention sur la belle fille. Cela m’intriguait.

Je voulus pénétrer la cause de l’agitation intérieure qui empourprait le visage, habituellement pudique de la « Muse », et, laissant à dessein tomber mon mouchoir, je me baissai pour le ramasser, et pour regarder. Ce que je vis me causa une telle stupeur que je me mis soudain à trembler. Aglaé, dont les jambes[1], ainsi que celles de nous toutes, étaient complètement entourées par les boiseries de la table de travail, avait les

  1. Variante, ligne 18, au lieu de Aglaé, dont les jambes, etc. ; lire :
     Malheureusement, par la faute de mon trouble et de l’obscurité qui régnait sous les tables, il me fut, tout d’abord, impossible d’y rien comprendre. Ce dont je me souviens parfaitement, c’est que la petite Carmen, plus rouge encore que sa camarade, était assise à terre entre les pieds de cette dernière ; et, quoique je fusse encore innocente, mon instinct de femme me suffit pour deviner que toutes deux faisaient de fort vilaines choses.