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merlin l’enchanteur.

Comme le Florentin, pendant la peste noire (et aujourd’hui le mal gagne non plus seulement le corps, mais l’âme immortelle), que ne puis-je, moi aussi, dans un cercle d’amis, à l’ombre d’un olivier, au bord d’une source cristalline, le front ceint d’une branche de chêne, les mains pleines de fleurs, écouter cent et cent nouvelles, jusqu’à ce que le poids du jour embrasé diminue et que la nuit apporte le repos, non l’oubli à mon cœur !

Oiseaux bleus, couleur du temps ! chimères aux ailes de soie ! licornes vagabondes ! qui ne dormez jamais, qui aidez l’homme à traverser les heures stériles, soit que vous amusiez l’attente et trompiez la douleur, soit que vous semiez la torche des vers luisants sous les pas de celui dont la route est ténébreuse, ne pouvez-vous me trouver un héros ?

Ou plutôt encore, toi, la plus sage, la plus aimée, la plus accréditée, la plus puissante des Muses, ô Routine ! qui rends toutes les entreprises faciles, je ne veux invoquer que toi, je ne consulterai que toi. Viens, conduis-moi, à pied, dans les routes battues, au bord desquelles croissent les fleurs vulgaires les plus aisées à cueillir. Éloigne-moi des cimes qui donnent le vertige ; j’y ai vécu trop longtemps dans la brume et dans l’orage. Retiens-moi par le frein, si je m’oubliais jusqu’à sortir du grand chemin banal, suivi par le troupeau des hommes. Ouvre pour moi leurs cœurs et leurs oreilles ! ils se plient avec orgueil à tes moindres désirs.

Celui que je cherchais est trouvé. Oui, il l’est, ô