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MERLIN L’ENCHANTEUR.

du sommeil des limbes. À peine s’ils rêvent de leur splendeur à venir.

— Et celles-ci qui dorment à leurs côtés, qui sont-elles ?

— Leurs compagnes fidèles, les nuits. La tête appuyée sur le coude, elles attendent, dans une vision stérile, d’être mariées aux jours futurs. »

À cet endroit s’ouvraient les vastes réservoirs, les celliers innombrables où étaient réunies les prémices des choses, plantes, animaux ébauchés, que l’œil de l’homme n’a jamais vus, et la substance des mondes futurs qui ne sont encore qu’un désir.

Comme le matin, lorsque le laboureur entre dans son champ où il a laissé la charrue debout dans le sillon commencé, des bandes de pigeons s’envolent de la glèbe et tournoient sur sa tête ; ainsi d’immenses reptiles volants, ébauchés, attachés encore à la vase primitive, se soulevèrent et frappèrent l’air de leurs ailes visqueuses à l’approche de Merlin. Il y avait aussi des lézards de cent coudées, au ventre d’or, qui, la gueule ouverte, lui barraient le chemin avec un bruit sourd d’écailles et de carapaces abandonnées. D’autres plus gigantesques, au col de serpent, aux mamelles monstrueuses où pendaient leurs petits, aiguisaient leurs défenses au tronc des fougères colossales. Mammouth était avec eux. Mais ces êtres innommés, saisis de crainte, se retirèrent confus dans leurs étables ; à leurs places d’autres plus étranges, à demi formés, apparaissaient, qui s’enfuyaient à leur tour. Et il y avait entre eux une hiérar-