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LIVRE IV.

chie, car ils se rangeaient avec obéissance, les plus imparfaits devant les meilleurs. Enfin vinrent Léviathan et Behemoth. Mais, pour ceux-là, ils ne s’enfuirent pas devant la face du prophète ; ils osèrent demeurer.

Longtemps Merlin contempla ce mystère des êtres nés sans parents ; il les vit sortir tout armés de l’ample sein de la terre. Alors il s’écria :

« Non, jamais, ni sous l’arbre des fées de Bretagne, ni dans le Sabbat grouillant de salamandres et de dragons, sur la cime boisée du Hartz, ni au bord des sources ensorcelées dans la forêt d’Ardennes, ni dans la Crau pierreuse de Provence ou de Bresse, pareille compagnie ne s’est trouvée sous mes pas. Sont-ils tous enchantés ? Mais par qui ? Quel magicien les a évoqués ? Est-ce toi ? Donne-moi le mot secret par lequel on les fait paraître et disparaître, afin que moi aussi j’en accroisse mon domaine.

— Je ne le sais pas ce mot magique, moi qui suis leur berger. Cette parole vient de plus haut. Ne t’arrête pas davantage. »

Et ils passèrent.

III

Comme un oiseau pécheur se promène dans l’orage, à la surface de la mer, et cherche des yeux sa proie sous l’épaisseur des flots, en poussant un cri rauque ; de