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MERLIN L’ENCHANTEUR.

comme à l’heure où ceux qui se sont aimés se quittent pour toujours. À leur cri d’adieu, répété de rive en rive, je réponds par un soupir, ou plutôt par un cri d’espoir, par un adieu de bon présage !

Ici commencent les pèlerinages de Merlin. Il n’allait pas comme les autres pèlerins visiter une relique, ni accomplir un vœu. La douleur le poussait. Il marchait devant lui, espérant changer de pensée en changeant d’horizon. Peut-être aussi n’était-il pas fâché de voir jusqu’à quel point il avait conservé le don d’enchanter la terre.

Ce fut, je pense, par une fraîche matinée d’un lundi après Pâques fleuries qu’il entreprit ses voyages. Il marchait le premier ; Jacques Bonhomme après lui, à moins que l’enchanteur ne l’appelât pour converser chemin faisant. Tous deux étaient suivis de leur chien noir.

Cet équipage n’avait rien d’imposant ; pourtant les plus grands rois de la terre se courbaient quand ils rencontraient le puissant Merlin sur leur sentier. Passait-il devant les nations ? s’il les trouvait désolées, il gémissait avec elles ; ou bien si elles dormaient, il les touchait de la main pour les réveiller de leur sommeil de plomb. Puis il leur donnait des droits : Jura dabat populis, dit la chronique que je traduis, sans y joindre ni réflexion, ni idée, comme doit le faire tout historien qui mérite ce nom.

Merlin allait sortir de France par la mer de Bretagne. Il n’avait plus qu’un pas à faire pour franchir la fron-