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MERLIN L’ENCHANTEUR.

retourné vers leur île, couleur de l’aile du cygne. J’ai crié : pitié, vérité, humanité, c’est là qu’est la blanche demeure de la justice, allons nous asseoir sur ces plages.

« Je suis venu dans leur île sur le rocher du bon droit ; j’y ai trouvé le repaire de l’iniquité.

« Ah ! qu’ils m’ont fait payer cher la joie de sangloter en face de la mer de Bretagne !

« Comme leurs regards étaient froids et hautains quand ils passaient devant moi ! Comme ils ont insulté à mon deuil, au deuil de la justice ! Les jeunes hommes à la langue sifflante ont été plus durs que les vieillards, et les femmes aux yeux de primevères plus dures que les hommes, et le peuple plus dur que les barons.

« Ceux en qui j’avais le plus espéré, ceux-là m’ont frappé les premiers. C’est d’eux qu’est venue la première blessure. Oui, c’est de leur arc de bois d’if qu’est partie la flèche empoisonnée.

« Ils m’ont donné le goût de la mort éternelle, ceux auxquels je demandais la vie.

« Ô vous que l’Océan insulte de son ricanement, n’abordez pas ici. Retournez dans l’orage. Mieux vaut mourir par la colère de l’Océan que d’acheter la vie de la pitié homicide de Jean l’Anglais !

« Mieux vaut boire goutte à goutte l’hydromel de l’enfer que le dédain et l’injure du rouge Saxon !

« Comme j’étais seul au milieu de la foule innombrable ! Nul ne m’adressait la parole.