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LIVRE X.

c’est qu’il savait mieux que personne tout ce qu’il y avait à gagner ou à perdre de la complaisance de Merlin.

Caressant du bout des doigts sa longue barbe fauve, l’empereur lui dit :

« Voulez-vous, seul, ô Merlin, me résister ? Si vous m’aviez suivi, vous sauriez que cette terre est à moi. Je la tiens de Jules César, qui me l’a léguée de père en fils.

— Savez-vous le latin ? répliqua froidement Merlin.

— Non ; mais, moi aussi, je m’appelle César. »

Puis, voyant que ces paroles restaient sans effet, l’empereur espéra gagner l’enchanteur par un peu d’adulation, ce qui fit qu’il ajouta familièrement, à voix basse :

« Malgré tout, entre nous, je ne me croirai qu’à demi maître et empereur de cette contrée tant que me manquera le suffrage de Merlin. Un coup de sa baguette de coudrier ferait plus, à mes yeux, que tous les vains applaudissements qui m’ont accueilli en sortant du Tyrol.

— Vous avez raison, répondit Merlin décidé à laisser de côté, ce jour-là, toute fausse modestie. Vous savez trop bien l’art de commander pour ignorer qu’aucun sceptre ne peut se passer du sacre de Merlin.

— Je le sais. Tout royaume est poussière si Merlin n’y attache son charme.

— N’espérez donc pas jouir en paix de ce jardin d’Italie, repartit avec fierté notre enchanteur ; car, tant qu’il