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LIVRE X.

Ce n’était pas Viviane ; mais elle lui ressemblait, autant que la terre peut ressembler au ciel.

Un soir, Merlin était assis auprès d’elle, sur le banc de bois, au seuil de la cabane. Ils raccommodaient ensemble la même maille du même filet.

Deux fois Merlin lève les yeux sur Nella ; deux fois il s’étonne, dans son cœur, de la trouver si belle.

« Nella ! Nella ! que votre sort est triste ! Un foyer si désert ! une chaumière si petite ! un filet si rompu ! Vous êtes faite pour un sort meilleur. Dites-moi ce que vous désireriez ; foi d’enchanteur, je le fais sans demeurée.

— Que me manque-t-il, seigneur ? Je ne le sais, en vérité. Ma cabane est petite ; elle est assez grande pour mon père et pour moi. Mon filet était rompu : les mailles sont refaites.

— Nella ! Nella ! pensez-y encore. Dites-le-moi, que voulez-vous ?

— Je voudrais, seigneur, un batelet léger, à la proue d’acier, pour couper les flots et les herbes des lagunes.

— Un batelet ? Rien de plus. Vous l’aurez, Nella. »

Le lendemain, Merlin attacha au seuil une gondole à la proue luisante, armée de douze dents d’acier poli, pour mordre la crinière hérissée des flots en colère. En la voyant, la jeune fille sourit.

« Dites, Nella, que désirez-vous encore ?

— Je voudrais, seigneur, une église aux coupoles d’or, pour prier, et une tour de cent coudées pour voir à mes pieds dormir les cent îles.