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MERLIN L’ENCHANTEUR.

pieds et regarda Merlin avec un regard plein de fierté :

« Vous êtes Lucius, procurateur de la république ? dit Merlin.

— Sans doute, répondit le berger, je le suis.

— Par conséquent vous connaissez le grand roi Arthus. Sa gloire est arrivée jusqu’à vous.

— J’ai entendu parler de lui à la veillée.

— Voici les lettres qu’il m’a chargé de vous apporter ; elles commencent par ces mots : Lucio reipublicæ procuratori Artus rex Britanniæ. » Et il lui présenta le bref scellé du sceau de la table ronde.

L’empereur Lucius s’excusa de les recevoir sur ce qu’il ne savait pas lire. Sans témoigner aucune surprise, Merlin en expliqua le contexte avec une admirable clarté. On lui prêta une attention soutenue ; mais, quand il arriva à l’article de l’hommage lige, l’empereur et l’ordre du sénat déclarèrent nettement qu’ils ne reconnaîtraient jamais de maître. Ils étaient trop accoutumés à commander pour obéir. Ils espéraient bien au contraire reconquérir la Bretagne et les Gaules, et tout le nord de leurs provinces.

« Quoi ! s’écria Merlin avec étonnement, vous refusez l’hommage au sanglier des Gaules ?

— Oui, certes, répondirent les mendiants en se drapant dans leurs haillons.

— Si cela est, je prévois de terribles représailles et d’interminables malheurs.

— Qu’il soit ainsi, répliquèrent les bergers en sifflant. On sait que le monde nous appartient. »