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LIVRE XI.

Cette réponse ne les empêcha pas d’offrir à Merlin et à son compagnon du lait caillé et un petit morceau de pain noir. C’était tout ce qu’ils possédaient. Après quoi, sans ajouter un mot, ils se retirèrent pour faire la sieste dans un tombeau de Roma Vecchia.

Restés seuls, Merlin et Jacques se perdaient en réflexion sur l’issue de leur ambassade.

« Est-il bien sûr, disait Jacques, que ce soit là un empereur et l’ordre du sénat ?

— Rien n’est plus sûr, répondait Merlin en montrant les lettres qu’il tenait encore ouvertes dans sa main.

— Comment donc un empereur qui a été le maître du monde peut-il se nourrir si mal ? ajoutait Jacques en achevant de mordre son pain noir.

— Ne jugeras-tu jamais les hommes et leurs conditions que par leur façon de se nourrir ? Apprends donc que les plus grands hommes et même quelques demi-dieux, les Tagès, par exemple, n’ont jamais mangé que du pain de seigle qui certainement ne valait pas celui-ci. Élève ton cœur, ô Jacques ! instruis-toi. Regarde comme les États s’affaissent dans l’oisiveté et la superstition, comme les empires finissent. Réfléchis sur ce que tu rencontres. Il n’est pas donné à tous, comme à toi en ce moment, de voir le plus grand des empires s’endormir avec trois bergers et un joueur de musette dans un sépulcre. Profite des fautes d’autrui. Pense, Jacques, pense, si cela t’est possible.

— J’essayerai, monsieur.

— Aussi bien, ajouta notre héros, j’imagine que les