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LIVRE XV.

Le jour n’était pas encore né, les étoiles pâlissantes laissaient tomber leur lueur cendrée à travers les touffes d’oliviers et d’amandiers en fleurs. Çà et là les rossignols, assoupis et enivrés de leurs chants, répétaient languissamment : itys ! itys ! dans le Palæo-Chorio. Il y avait, en chaque chose, une paix virginale. Tout semblait dire : « Vois, au moins, Merlin, ce que tu perds. »

Le jour venu, Marina s’est assise sur le sable de la mer pour attendre celui qu’elle appelle son maître et son seigneur. Elle a attendu le lendemain et tous les jours suivants. À force de regarder l’azur de la mer, ses yeux sont devenus couleur d’azur. Plus d’un matelot, en la voyant de loin, a cru voir un marbre ciselé, tant elle est immobile. Moi-même, passant sur ces côtes, j’ai été dupe d’une illusion de ce genre.

Qui pourra dire jamais ce qui se passa dans le cœur de Merlin, si ce fut pure religion de la beauté, inspiration du devin, ou surprise des sens, ou nuage répandu sur son savoir, ou tout cela ensemble ? N’essayons point de connaître ce qui doit nous rester caché. L’important pour nous, c’est qu’il est sorti vainqueur de cette épreuve. Ne cherchez pas des taches dans le soleil. Plus amoureux que Roland, mon héros est jusqu’ici en réalité, sinon en imagination, aussi sage qu’Énée. N’en demandez pas davantage.

D’ailleurs il s’est expliqué ouvertement lui-même dans la lettre qu’on va lire.