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MERLIN L’ENCHANTEUR.

ments ? est-ce ainsi que tu es fidèle à Viviane ? Souviens-toi de ce que tu lui écrivais hier encore. Lâche que tu es ! te lasseras-tu sitôt de poursuivre l’idéal ? Vendras-tu la gloire du monde pour deux lèvres de corail, il est vrai, mais qui ne savent pas même prononcer exactement ton nom ! Tu t’aveugles, Merlin ! Tu t’enchantes toi-même par des paroles et des regards magiques. »

À ce dernier mot, Merlin, dans un effort désespéré, rompt lui-même le maléfice qui l’enchaînait dans ces lieux. Il se lève, il s’apprête à sortir. Toutefois il regarde encore une fois en arrière ; encore une fois il marche, sur la pointe du pied, jusqu’à la natte où repose Marina. C’est pour s’assurer qu’elle dort d’un profond sommeil.

Un dernier reflet du foyer, mêlé à un rayon de la lune, éclairait la jeune fille dont le visage s’encadrait de ses nattes parsemées de médailles. Près de son chevet il y avait une petite image enluminée de la Panagia, suspendue à la muraille. Merlin prend cette image ; il la place à côté de Marina :

« Qu’elle te garde des vampires, des loups et des giaours ! Moi, j’ai besoin de tout mon art pour me garder moi-même. »

Sans rien ajouter, il sort de la cabane. De l’autre côté du seuil, il traverse un petit troupeau de chèvres couchées dans la cour en terrasse. Le bélier reconnaît l’enchanteur, et, soulevant vers lui une barbe d’argent, il mord, pour le retenir, le pan de son manteau. Ce fut en vain.