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MERLIN L’ENCHANTEUR.

leur prêche la paix, la concorde, au nom du Dieu de tous.

— Cela est singulier, dit Merlin. Le prêtre Jean serait-il panthéiste ?

— Peut-être.

— Vous savez que c’est la plus terrible accusation dont on puisse noircir un homme dans nos pays brumeux ?

— On me l’a rapporté, répliqua le roi du désert, qui cherchait en toute occasion, à montrer son royaume par les plus beaux endroits. Rappelez-vous seulement, Merlin, votre promesse de ne pas vous scandaliser avant d’avoir tout vu.

— Je m’en souviens, ô roi. »

Alors Merlin sonna d’une main ferme à la porte de l’abbaye. La clochette retentit deux fois dans le silence du désert ; la porte s’ouvrit.

On vit paraître au milieu du préau un vieillard auguste dont la barbe de neige descendait jusqu’à la ceinture. Sur sa tête, il portait un turban enrichi d’une croix de saphir. À son cou, pendait un croissant d’or, et il s’appuyait sur un bâton blanc à la manière d’un brahmane. Trois enfants le suivaient qui tenaient chacun un livre ouvert sur leur poitrine. Le premier était le recueil des Védas, le second la Bible, le troisième le Coran. À certains moments, le prêtre Jean (car c’était lui) s’arrêtait, lisait quelques lignes de l’un de ces livres sacrés qui restaient toujours ouverts devant lui. Après quoi il continuait sa promenade, les-yeux attachés sur le ciel.