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LIVRE XVI.

Tout était embarrassé de lianes et de vignes vierges. L’herbe haute avait crû sur les traces de nos aïeux Comme je m’engageais sous les ombrages épais, je trouvai sur la terre une épée flamboyante abandonnée en cet endroit. Je m’en emparai pour me frayer un passage.

Chose étonnante ! l’herbe touffue recouvrait même les traces de l’Éternel, si bien que j’eus peine à les reconnaître, quoi qu’elles soient chacune au moins de dix coudées. Sitôt que j’eus découvert les vestiges de ces pas gigantesques, je m’appliquai à les suivre, et je tremblai jusque dans mes os. Sous chaque massif de verdure je craignais et désirais à la fois apercevoir l’hôte divin de ces lieux ! Et que devenais-je lorsqu’à travers le bruissement des feuilles je croyais entendre une langue sifflante ?…

Cette première crainte se dissipa quand je vis que personne n’apparaissait ; et les traces des pas me conduisirent vers un antre que les lions avaient abandonné. Combien les bêtes fauves qui passèrent près de moi, étonnées et muettes, me causèrent moins d’épouvante que n’eût fait le murmure d’un esprit invisible !

Ainsi se passa le premier jour. J’errai sans repos, et c’est vers le soir seulement que je découvris le berceau de nos premiers parents. Je vis, oui, je vis la couche nuptiale où fut engendré le premier fils de l’homme. Elle était peu changée ; les fleurs y avaient remplacé les fleurs. Les mousses odorantes s’y étaient renouvelées d’âge en âge ; et c’était le seul endroit qui ne por-