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MERLIN L’ENCHANTEUR.

tât aucune empreinte de l’injure des ans et de la colère du ciel.

Quelles pensées, Viviane, en entrant dans ce berceau sacré ! Il semble fait pour toi, et attendre que tes pieds s’y reposent. Nous visiterions le monde entier sans trouver un lieu si digne de te faire ta chambre nuptiale. Pour moi (vois ma crédulité), cette idée m’assaillit avec une si grande force que je ne pus me défendre de croire que c’était là l’endroit béni où mes yeux devaient te retrouver.

La fatigue m’ayant accablé, je m’endormis sur ces fleurs virginales ; j’étais persuadé que je te reverrais, à mon réveil, là près de moi sous ces voûtes embaumées. Aussi, dès que mes yeux se rouvrirent, j’étendis les bras pour te saisir. Je te cherchai, je t’appelai. Quelle douleur de ne retrouver que moi ! Ce fut la première qui me saisit dans ce lieu de délices.

Quand j’eus perdu l’espoir de te rencontrer dans l’enceinte bienheureuse, le sentiment de l’éternelle solitude me remplit tout entier. Au moment où je m’abandonnais moi-même, deux êtres vivants se présentèrent à mes yeux. Ah ! que leur vue me fut à la fois douce et cruelle ! C’étaient deux vieillards, chargés d’années, que dis-je ! chargés de siècles, et qui s’étaient arrêtés prosternés devant l’entrée, sans oser la franchir. J’arrivai bientôt auprès d’eux ; dès qu’ils m’eurent aperçu ils m’adorèrent en se prosternant, et me dirent :

« Ô le plus heureux des enfants de la terre, il vous est donc permis à vous seul d’entrer en ces demeures